Pour l'équipe Fassa Bortolo, la première place n'a pas de prix
LE MONDE | 19.03.04 | 13h36
Cyclisme    Numéro un mondial, elle accueille de nombreux coureurs au passé chargé.

Milan correspondance

Depuis sa création, en 2000, l'équipe cycliste italienne Fassa Bortolo n'a jamais quitté le podium du classement mondial de l'Union cycliste internationale (UCI)  : troisième en 2000, première en 2001, deuxième en 2002, de nouveau première en 2003. Un bilan exceptionnel, seulement terni par une mort dramatique et inexpliquée, celle de Denis Zanette, coureur décédé à 32  ans d'un arrêt cardiaque en sortant de chez son dentiste, le 10  janvier 2003.

L'objectif de l'équipe à l'heure de Milan  -  San Remo, qui ouvre la Coupe du monde, samedi 20  mars  ? "Rester les premiers", annonce fièrement Paolo Fassa, sponsor de la formation. Pour y parvenir, l'entrepreneur mise toujours sur Giancarlo Ferretti (62  ans), directeur sportif de l'équipe depuis sa fondation. Un homme intransigeant, qui exige le meilleur de ses coureurs et de lui-même. En toutes circonstances.

"Ces médicaments  ? Je les utilise pour améliorer mes performances sexuelles", avait-il ainsi expliqué aux enquêteurs qui, durant une perquisition surprise à Carano Fiemme, sur le Tour d'Italie 1997, avaient retrouvé des boîtes de produits dopants (EPO synthétique, hormones de croissance, testostérone) dans le camion et la chambre du masseur de son équipe d'alors, la MG-Technogym. Son explication n'avait pas convaincu la Fédération cycliste italienne, qui le condamna à un mois de suspension, une sanction convertie en amende avec avertissement après appel.

Giancarlo Ferretti est un homme confiant. "Tout s'est bien passé", avait-il déclaré en sortant de la caserne des carabiniers de Bologne, le 7  avril 1999, après un interrogatoire de trois heures conduit par le magistrat Giovanni Spinosa, qui voulait en savoir davantage sur les achats effectués par le directeur sportif à la pharmacie Giardini Margherita, véritable plaque tournante du dopage en Italie. Le 15  mars 2001, Giovanni Spinosa renvoyait Giancarlo Ferretti devant un tribunal pénal, pour exercice abusif de la profession de pharmacien.

EN QUÊTE DE RACHAT

Paolo Fassa a toujours renouvelé sa confiance au manager de son équipe. Les résultats sportifs lui ont donné raison. Dès son arrivée à la tête de la Fassa Bortolo, Giancarlo Ferretti s'était entouré d'un adjoint compétent  : Alberto Volpi. Cet ex- coureur professionnel avait défrayé la chronique en 1993  : positif à la  gonadotrophine au terme de la Leeds International Classic, il avait été disqualifié et exclu de l'équipe italienne avant les championnats du monde d'Oslo. La peine fut annulée pour vice de forme lors du contrôle antidopage.

Giancarlo Ferretti a toujours su miser sur les coureurs gagnants. Compréhensif et miséricordieux, il oublie volontiers leur passé parfois trouble. Sous l'élégant maillot blanc et bleu de la Fassa Bortolo, se sont ainsi retrouvés nombre de coureurs en quête de rachat. Le prometteur Alberto Ongarato, par exemple, lancera cette année les sprints d'Alessandro Petacchi, transformé depuis qu'il a rejoint Giancarlo Ferretti en 1999. Alberto Ongarato fut suspendu six mois, après avoir été trouvé en possession de Nesp, caféine et haschich, le 27  mars 2002.

Mais la Fassa attend également beaucoup de ses jeunes, comme le talentueux Ukrainien Vladimir Gustov, mis en "arrêt de travail" avant le départ du Tour de Romandie 2002 en raison d'un hématocrite supérieur à la limite autorisée, ou encore le Toscan Francesco Chicchi, champion du monde des moins de 23  ans à Zolder, en 2002, dont le domicile fut perquisitionné le 17  avril 2003 lors d'une opération d'envergure des NAS (brigade des stupéfiants).

Cette jeune génération sera épaulée par la "vieille garde", formée de Roberto Petito (positif aux stéroïdes anabolisants sur le Giro 1997 mais non suspendu parce que l'échantillon B n'avait pu être analysé) et de Marco Velo, trois fois champion d'Italie du contre-la- montre (positif au salbutamol en 2000 mais blanchi grâce à un certificat médical, puis disqualifié en 2001 car positif à l'éphédrine).

En 2003, Giancarlo Ferretti a encore recruté Dario Frigo, qu'il avait licencié durant le Tour d'Italie 2001. Frigo, porteur du maillot rose de leader, en avait été exclu après le "blitz" des NAS à San Remo, qui avait permis de retrouver dans ses bagages des seringues utilisées (hormones de croissance), des pansements à la testostérone et deux mystérieuses fioles (qui se sont révélées être d'eau salée).

Cet hiver, pour compléter son effectif, le manager de la Fassa a embauché deux nouveaux coureurs de poids. D'abord Fabio Sacchi, un homme d'expérience  : le parquet de Padoue a demandé, en novembre, sa traduction devant la justice, pour s'être procuré des produits dopants auprès d'un dealer napolitain. La seconde recrue de Giancarlo Ferretti n'est autre que le Belge Frank Vandenbroucke, impliqué dans l'affaire Sainz-Lavelot, en 1999, suspendu six mois par la Ligue vélocipédique belge, en mars 2002, à la suite d'une perquisition à son domicile lors de laquelle furent trouvés de l'EPO et des anabolisants, et récemment renvoyé devant un tribunal pénal pour cette même affaire.

Enfin, pour encadrer médicalement son équipe de champions au-dessus de tout soupçon, Giancarlo Ferretti a fait appel à un grand professionnel  : le docteur Emilio Magni, ex-médecin de la Mercatone Uno de Marco Pantani.

Guillaume Prébois

 ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 20.03.04