Au plus profond des nuits d'été, posé sur l'horizon sud,
un sourire vous fait face. Cette bouche que dessine au ciel une dizaine
d'étoiles représente en réalité la constellation du Capricorne, humble
figure du firmament. D'aucuns voient dans ce porteur de cornes la
chèvre Amalthée, qui allaita Zeus enfant, mais ce serait oublier que,
dans la plupart des représentations antiques, cet astérisme correspond
à une créature amphibie.
En Inde, il s'agit souvent d'un crocodile ou d'un hippopotame à tête
caprine. Les Mésopotamiens et les Hellènes y virent un être hybride,
mi-chèvre mi-poisson.
Il faut avoir recours à la mythologie grecque pour comprendre la
présence au ciel de ce fabuleux habitant du zodiaque. Le Capricorne
fait référence à un épisode très précis de la légende de Zeus. Après
avoir vaincu les Titans et les Géants, le maître de l'Olympe est confronté
au plus puissant monstre jamais vu sous le ciel : Typhon. Comme
le relate le Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine de
Pierre Grimal (PUF, 53 € ), "Typhon tenait le milieu entre
un être humain et un fauve. En taille et en force, il surpassait tous
les autres enfants de la Terre ; il était plus grand que toutes
les montagnes et, souvent, sa tête se heurtait aux étoiles. Lorsqu'il
étendait les bras, l'une de ses mains atteignait l'Orient et l'autre
touchait à l'Occident et, au lieu de doigts, il avait cent têtes de
dragons. A partir de la ceinture jusqu'en bas, il était entouré de
vipères. Son corps était ailé et ses yeux lançaient des flammes".
Lorsque cette chose effrayante les attaqua, les dieux s'enfuirent
et se métamorphosèrent en divers animaux pour se cacher. Pan, divinité
des bergers et des troupeaux, à cornes et pattes de bouc, sauta prestement
dans une rivière et voulut s'y changer en poisson. Mais la transformation,
sans doute trop rapide, ne fut qu'incomplète : seule la partie
antérieure devint une queue de poisson et Pan garda sa tête cornue,
ce qui "explique" la figure du Capricorne.
Pendant ce temps, Zeus, qui avait décidé d'affronter Typhon, se faisait
malmener. Le monstre lui avait arraché sa faucille et, ainsi armé,
trancha les tendons et les muscles du dieu, morceaux qu'il dissimula
dans une grotte gardée par un être mi-femme mi-serpent. Pan et Hermès
parvinrent à les dérober et à les replacer dans le corps de Zeus.
Ainsi reconstitué, le chef des dieux lança une terrible contre-offensive
et bombarda Typhon de grands coups de foudre. La course-poursuite
dura jusqu'à ce que le monstre arrive en Sicile. Là, Zeus l'écrasa
sous une montagne, qui devint l'Etna.
La constellation du Capricorne s'avère difficile à observer, peu
lumineuse et mal placée. Le meilleur chemin pour y arriver consiste
à prolonger vers le sud le segment de droite reliant deux des astres
les plus connus du ciel, Véga de la Lyre et Altaïr de l'Aigle. On
tombe alors sur l'astre le plus brillant du Capricorne. En y regardant
de plus près, on constatera qu'il y a en fait deux étoiles, très "rapprochées".
En fait, plusieurs centaines d'années-lumière les séparent, mais l'une
est quasiment devant l'autre, ce qui nous donne cet effet d'étoile
double. Arriver à discerner la paire constitue, de l'avis des astronomes,
un excellent test d'acuité visuelle.
Pierre Barthélémy