Il faut, par la pensée, remonter cinq mille ans en arrière,
à l'époque où les Mésopotamiens inventèrent l'astronomie. Ils
avaient noté que le printemps, période la plus importante de l'année
sous l'ère agricole, revenait lorsque le Soleil se situait près d'une
étoile aux éclats rougeâtres, que l'on nomme aujourd'hui Aldebaran.
Avec les autres points illuminant cette région du ciel, ils composèrent
la figure du Taureau, symbole à la fois de fécondité et de puissance.
En raison de la précession des équinoxes, le point vernal – qu'occupe
le Soleil au moment de l'équinoxe de printemps – s'est par la suite
déplacé dans le Bélier et se trouve aujourd'hui dans les Poissons.
Lorsque les Grecs se réapproprièrent le ciel des Babyloniens, ils
conservèrent la figure du Taureau qu'ils accommodèrent cependant à
leur sauce, la reliant au mythe de l'enlèvement d'Europe. Zeus, éternel
coureur de jupons, tomba amoureux de cette fille d'un roi de Phénicie
alors qu'elle jouait sur une plage avec des amies. Métamorphosé en
un magnifique taureau blanc aux cornes en forme de croissant de lune,
le chef de l'Olympe vint se coucher aux pieds d'Europe qui, étonnée
par la docilité de l'animal, finit par monter sur son dos. A
cet instant, Zeus s'élança vers la mer et, sans que la jeune fille
ait le temps de descendre, fendit les flots et nagea jusqu'à la Crète.
De l'union du dieu et de sa belle naquirent trois garçons, dont l'aîné
fut le mythique roi Minos, qui introduisit le culte du taureau sur
l'île. Pour le remercier de lui avoir prêté son enveloppe, Zeus
plaça l'animal dans le zodiaque.
D'autres mythes grecs associent plutôt cette bête à cornes au célèbre
chasseur Orion, dont la constellation jouxte celle du Taureau. Ce
lien s'explique probablement par la présence, dans la constellation
du Taureau, de l'amas des Pléiades.
MÉTAMORPHOSES
La légende raconte qu'Orion se prit d'un amour passionné pour ces
sept sœurs, filles d'Atlas. Cinq ans durant, il les pourchassa
jusqu'à ce qu'elles se transforment en colombes, avant que Zeus en
personne les change en étoiles. Au ciel, Orion court toujours après
les Pléiades puisque sa constellation se lève juste après elles.
Présent dans un grand nombre de mythologies, de l'Inde à la Chine
en passant par l'Australie, l'amas des Pléiades compte en réalité
quelques centaines d'étoiles jeunes dont certaines, très massives
et très jeunes, brillent avec des reflets bleutés. On en distingue
généralement six à l'œil nu mais un observateur bénéficiant à la fois
d'une bonne acuité visuelle et de conditions excellentes pourra en
voir jusqu'à neuf.
La constellation du Taureau compte deux autres curiosités en son
sein. La première est un autre amas d'étoiles, celui des Hyades, qui
semble entourer l'œil du Taureau, Aldebaran. Mais cette géante
rouge n'en fait en réalité pas partie, se trouvant environ deux fois
plus près de nous que les Hyades.
La deuxième singularité est une petite tache pâlotte qui ne se laisse
pas deviner sans un bon instrument. Pourtant, la nébuleuse du Crabe,
située à plusieurs milliers d'années-lumière, constitue un des plus
célèbres objets du ciel. Il s'agit des restes d'une supernova,
d'une étoile géante qui explosa en 1054, comme le rapportèrent les
Chinois. Le phénomène fut si violent qu'on put le voir en plein
jour pendant presque un mois.
Pierre Barthélémy