LE MONDE | 02.12.02 | 13h02
MIS A JOUR LE 02.12.02 | 13h11

Habitants du zodiaque : le Taureau

Il faut, par la pensée, remonter cinq mille ans en arrière, à l'époque où les Mésopotamiens inventèrent l'astronomie. Ils avaient noté que le printemps, période la plus importante de l'année sous l'ère agricole, revenait lorsque le Soleil se situait près d'une étoile aux éclats rougeâtres, que l'on nomme aujourd'hui Aldebaran. Avec les autres points illuminant cette région du ciel, ils composèrent la figure du Taureau, symbole à la fois de fécondité et de puissance. En raison de la précession des équinoxes, le point vernal – qu'occupe le Soleil au moment de l'équinoxe de printemps – s'est par la suite déplacé dans le Bélier et se trouve aujourd'hui dans les Poissons.

Lorsque les Grecs se réapproprièrent le ciel des Babyloniens, ils conservèrent la figure du Taureau qu'ils accommodèrent cependant à leur sauce, la reliant au mythe de l'enlèvement d'Europe. Zeus, éternel coureur de jupons, tomba amoureux de cette fille d'un roi de Phénicie alors qu'elle jouait sur une plage avec des amies. Métamorphosé en un magnifique taureau blanc aux cornes en forme de croissant de lune, le chef de l'Olympe vint se coucher aux pieds d'Europe qui, étonnée par la docilité de l'animal, finit par monter sur son dos. A cet instant, Zeus s'élança vers la mer et, sans que la jeune fille ait le temps de descendre, fendit les flots et nagea jusqu'à la Crète. De l'union du dieu et de sa belle naquirent trois garçons, dont l'aîné fut le mythique roi Minos, qui introduisit le culte du taureau sur l'île. Pour le remercier de lui avoir prêté son enveloppe, Zeus plaça l'animal dans le zodiaque.

D'autres mythes grecs associent plutôt cette bête à cornes au célèbre chasseur Orion, dont la constellation jouxte celle du Taureau. Ce lien s'explique probablement par la présence, dans la constellation du Taureau, de l'amas des Pléiades.

MÉTAMORPHOSES

La légende raconte qu'Orion se prit d'un amour passionné pour ces sept sœurs, filles d'Atlas. Cinq ans durant, il les pourchassa jusqu'à ce qu'elles se transforment en colombes, avant que Zeus en personne les change en étoiles. Au ciel, Orion court toujours après les Pléiades puisque sa constellation se lève juste après elles.

Présent dans un grand nombre de mythologies, de l'Inde à la Chine en passant par l'Australie, l'amas des Pléiades compte en réalité quelques centaines d'étoiles jeunes dont certaines, très massives et très jeunes, brillent avec des reflets bleutés. On en distingue généralement six à l'œil nu mais un observateur bénéficiant à la fois d'une bonne acuité visuelle et de conditions excellentes pourra en voir jusqu'à neuf.

La constellation du Taureau compte deux autres curiosités en son sein. La première est un autre amas d'étoiles, celui des Hyades, qui semble entourer l'œil du Taureau, Aldebaran. Mais cette géante rouge n'en fait en réalité pas partie, se trouvant environ deux fois plus près de nous que les Hyades.

La deuxième singularité est une petite tache pâlotte qui ne se laisse pas deviner sans un bon instrument. Pourtant, la nébuleuse du Crabe, située à plusieurs milliers d'années-lumière, constitue un des plus célèbres objets du ciel. Il s'agit des restes d'une supernova, d'une étoile géante qui explosa en 1054, comme le rapportèrent les Chinois. Le phénomène fut si violent qu'on put le voir en plein jour pendant presque un mois.

Pierre Barthélémy

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 03.12.02