Il est difficile de ne pas parler de la situation presidentielle. Les nouvelles arrivent heure par heure; chaque camp celebre les victoires et defaites selon les decisions de justice. Evidemment, pour un etranger, la situation est ubuesque.

Jugez plutot: la personne qui decide du decompte final des voix, avec la desormais fameuse marge de 300 voix (passee a 1000 avec les votes de l'etranger), est une femme nommee par le frere d'un des candidats; femme elle-meme une des principales animatrices de ce meme candidat... devant un tel conflit d'interet, on pourrait imaginer que le scandale la pousserait a se recuser (comme l'a fait Jeb Bush, le frere de W et gouverneur de Floride). Mais non.

Les Republicains ne cessent d'affirmer qu'ils ont gagne l'election, et cela le soir meme de l'election. Souvenez-vous: apres avoir declare la Floride a Gore, puis remise dans le camps des indecis (sous pression des Republicains), la Floride etait finalement annoncee par la tele comme passant a Bush, a 3 heures du matin. Joie dans le camp Bush, la victoire est a nous, tralalere; Gore appelle Bush et concede la victoire, la campagne est finie. Coup de theatre 2 heures plus tard, avec Gore qui rappelle pour dire que non, ce n'est pas sur qu'il ait perdu en Floride apres tout. Bon, tout ca, c'est connu.

Depuis le soir de l'election, l'argument republicain est de dire que Bush a gagne, la preuve, la tele l'a annonce vainqueur en Floride, et que Gore etait mauvais perdant. Outre la distorsion de la verite (Bush n'etait pas legalement le vainqueur, les votes n'etant pas certifie), observons qui a annonce la victoire de Bush en Floride: les reseaux televises ont un systeme centralise de sondage dans tout le pays, ils disposent donc des memes informations; toutes les chaines refusaient de donner un vainqueur en Floride, "too close to call", et ils avaient raison. Mais a 3 heures du matin, Fox, la chaine de Rupert Murdoch, annonce la Floride a Bush, par la voix d'un des commentateurs de la soiree electorale, qui n'est autre que... un des cousins de George Bush, embauche pour l'occasion.

Les autres chaines, pour ne pas etre en reste, se sont empressees d'annoncer Bush vainqueur, avant de se retracter 2 heures plus tard pour remettre la Floride dans le camp des indecis. Le mal etait fait: les Republicains croyaient avoir eu leur victoire tant attendue apres 8 ans de Clinton.

Depuis cette soiree, les supporters de Bush, tels des enfants a qui on aurait enleve un jouet le soir meme de Noel, accumulent les preuves de mauvaise foi pour changer l'opinion publique (le decompte manuel n'est pas meilleur que le decompte par les machines, les Democrates vont vouloir des decomptes jusqu'a ce que le resultat leur plaise - comme si les votes n'etaient pas une donnee fixe mais un bloc malleable a merci) sans que cela ne genere de rejet dans la population, malgre l'insulte permanente a l'intelligence a chaque fois que James Baker, ancien ministre de l'Interieur de George Bush (ou Reagan) et responsable de la desinformation post-electoral des Republicains s'adresse a la presse.

La presse? Quelle presse. On se rend compte comme l'information est biaisee, faiblarde, basee sur des sondages et non sur des faits. Il y aurait 100.000 raisons de reportage, d'enquetes, mais on tourne sur les memes debilites, les declarations de chaque camp sans aucun commentaire critique.

Dans ces moments extremes, on peut voir ou en est une democratie; on ne peut qu'esperer que ce n'est pas ce que deviendra l'Europe.

Bon, je m'echauffe, mais la vie continue aussi a San Francisco. Certes, avec le mois de Novembre, les temperatures oscillent autour des 10 degres, mais cela ne nous empeche pas de profiter d'agreables debuts d'apres-midi, avec un BBQ dehors et les filles qui dejeunent gentiment - comme des grandes.

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