Figo Ballon d'or? Ils
ont changé les règles sans nous le dire? On pensait que les critères
d'attribution de ce prestigieux trophée accordaient une importance
prépondérante au palmarès des candidats au cours de la saison écoulée.
Prenez la liste des lauréats, et vous aurez de la peine à en trouver
un qui ait compté aussi peu de titres que Luis Figo cette année
(c'est-à-dire aucun). Mais le Ballon d'or est désigné par un scrutin,
non par un débat, et il faut donc chercher d'autres raisons à la
mise à l'écart de Zidane, champion d'Europe, par une courte majorité
de "grands électeurs" européens. Il y en a une qui mettrait un terme
à cette controverse: Luis Figo est indiscutablement un bien meilleur
footballeur que le numéro 10 des Bleus. Mais si l'on peut préférer
Figo pour de nombreuses raisons très valables, il sera difficile
à ses supporters d'affirmer qu'il est à des lieues de son rival.
L'élection du Portugais est donc d'autant plus surprenante que s'il
fallait admettre que la compétition était serrée cette année, le
poids des titres aurait dû nettement faire pencher la balance.
Une autre raison à peine moins subjective vient à l'esprit, et nous
l'avions évoquée fin octobre (Gazette
14). Le coup de tête donné à un sinistre Hambourgeois en Ligue
des champions et la lourde suspension qui avait suivi ont probablement
pesé dans la balance. Figo récompensé pour bonne conduite, Zidane
trop sulfureux? Paradoxal verdict, car si le Français a la mauvaise
habitude de réagir à mauvais escient aux coups dont il est victime,
son comportement extra sportif apparaît exemplaire. Au passage,
comment Stoitchkov aurait-il pu remporter le trophée en 94 dans
ces conditions?
Fallait-il pour autant se tourner vers Luis Figo, dont l'exemplarité,
certes incontestable sur le terrain, est douteuse en considération
du montant obscène de son transfert et des conditions de celui-ci
à l'intersaison? Pour l'image du football, on pouvait rêver mieux
comme contre-exemple. La morale implicite de ce choix est assez
parlante: le méchant, ce n'est pas celui qui quitte son club pour
son rival sans aucune raison sportive (mais en touchant au passage
une fortune prélevée sur le scandaleux déficit du Real). Le méchant
c'est celui qui a surtout le tort de répondre à des provocations
dont les arbitres ne peuvent le protéger.
Et pour pousser le bouchon un peu plus loin, ajoutons que le grand
favori a peut-être aussi fait les frais d'une certaine jalousie
en Europe, devant l'"arrogance" française. Figo, victime de l'équipe
de France en demi-finale de l'Euro (sur un penalty contesté quoique
incontestable, et transformé par... Zidane) a pu apparaître comme
le destinataire idéal d'un ballon d'or, comme un lot de consolation.
Bon allez, soyons meilleurs joueurs: Figo mérite
son Ballon d'or. Mais on ne nous enlèvera pas de l'idée que Zidane
le méritait un peu plus que lui. Oh, et puis on s'en fout, maintenant
que la France remporte des titres, on ne va pas courir après les
récompenses honorifiques et se prendre la tête pour des "compétitions"
aussi vaines.
Date: 19/12/2000
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