S'agit-il du premier signe
que le vent va tourner, ou d'une simple péripétie? Toujours est-il
qu'à contre-courant du discours du G14 et de ses propres annonces
récentes (voir La
dernière Coupe), il semble que l'UEFA envisage sérieusement
de réformer la Ligue des champions en lui faisant perdre un tour
de poules, tout en laissant en l'état la Coupe de l'UEFA, encore
récemment menacée d'une mise en poulailler. Selon l'AFP qui cite
le quotidien suisse Le Temps (dans lequel Gerhardt Aigner, directeur
général, s'est exprimé), il s'agirait même de faire voter cette
réforme par le comité directeur qui se réunira en décembre prochain.
Aigner a parlé d'une "saturation générale vu l'offre abondante".
C'est une façon de le dire en effet.
Il faut dire que l'imbécillité de la formule actuelle,
qui réussit à rendre sans intérêt des affiches comme Bayern-Manchester,
est un peu trop évidente ces jours-ci. Le produit phare et très
cher payé des télévisions européennes se déroule devant des tribunes
vides et les audiences imitent les publics. Ce n'est d'ailleurs
pas tant la voix de la Raison qui a retenti aux oreilles des dirigeants
de la confédération européenne que celle des directeurs de chaînes.
Ou alors, l'UEFA a enfin reçu notre légendaire pétition
de mai 2000.
Bien sûr, les "grands clubs" ont obtenu pour la LdC qu'aucun changement
n'intervienne avant 2003/2004, ce qui leur laisse le temps de faire
progresser leurs idées et d'affirmer leur pouvoir (notamment auprès
de l'UEFA via une probable représentation dans ses instances). Mais
on peut inversement espérer que l'épuisement de la formule actuelle
va s'aggraver et peser en faveur d'une préservation du sens sportif
de la compétition. De toute façon, même si les lobbies parviennent
à scier la branche sur laquelle ils sont assis, il y aura du changement
(ou alors, le foot finira comme la boxe). Des voix s'élèvent au
sein même du G14 pour critiquer le système présent. C'est notamment
le cas du Bayern, mais qu'en disent les représentants français,
qui ont déjà du mal dans leurs propres championnats?
Le problème est que l'UEFA a en même temps bien
affirmé ses engagements envers les clubs : "leur proposer moins
de matches, mais avec les mêmes revenus" (AFP 21/11). Une équation
difficile à résoudre, en raison justement de la tendance très négative
d'un marché des droits de télévision qui menace de s'effondrer.
On va donc se tourner des nouvelles ressources, comme Internet et
l'UMTS, ou faire cracher le marketing (l'UEFA doit bientôt désigner
l'agence qui gérera les droits de la Ligue des champions. Team,
l'actuel détenteur, est sur les rangs). Mais quel sera dans deux
ans l'état du marché?
En France ou en Italie, on essuie le paradoxe d'être un gros du
marché européen qui doit gérer des soirées sans clubs nationaux.
On voit TF1 se rabattre (peut-être avantageusement) sur le Real
de Zidane et s'apprêter à faire une tournée des "clubs à Français"
les soirs où Nantes sera sur Canal. A l'arrivée, les audiences baisseront
encore, surtout que les Canaris ne semblent pas partis pour faire
des miracles. Et regarder ces Figo, Henry, Zidane, Beckham et autres,
sous-employés dans une compétition aussi pénible et probablement
dopés pour lui survivre, ce n'est finalement pas si plaisant. Le
sport-spectacle, quand on voit plus le sport, ça n'intéresse plus
grand monde.
Date: 21/11/2001
L'UEFA DISSOUT LES
COUPES D'EUROPE
Naîfs que nous fûmes,
de croire que l'UEFA allait vraiment s'engager sur la voie d'une
réforme de la Ligue des champions, sur la foi des déclarations de
son secrétaire général Gerhardt Aigner à la veille du Comité exécutif
de la confédération européenne (voir De
la coupe aux lèvres…). En fait de tournant, cette sortie de
l'adjoint de Johansson n'était là que pour donner le change au bon
peuple en lui cachant une très prochaine capitulation, et le G14
a reçu lors du dernier Comité exécutif toutes les assurances d'un
statu quo jusqu'en 2004. L'UEFA a préféré chercher des poux dans
la tête de la FIFA, les luttes politiques intestines étant tellement
plus amusantes.
Autant dire qu'on laisse la Ligue des champions
formule enrichie crever de sa vilaine mort: les stades vont se vider
un peu plus, les audiences encore baisser. Il faut croire que la
pression des télés, que l'on croyait décisive, n'était pas encore
suffisante. Le pari est extrêmement risqué, car lorsque les contrats
en cours seront à leur terme, il y a fort à parier que la situation
sera alors extrêmement délicate et que les opérateurs seront en
position de force pour négocier à la baisse. Les faillites seront
alors spectaculaires.
Un malheur ne venant jamais seul, la Coupe de l'UEFA semble de nouveau
proche d'une mise en poules, comme il en était question avant cette
éclaircie trompeuse. Ce sera simplement la mort de la coupe
d'Europe.
Il faudra donc se résigner à lancer à travers le
continent un vaste appel au boycott de la LdC pour accélérer la
chute et le renouveau qui suivra. Et si ça ne suffit pas, on entartera
les présidents du G14.
Date: 18/12/2001
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