MARABOUTES

Etienne Melvec

Le contexte
Si les Coréens ont réussi à organiser une Coupe du monde, il leur reste maintenant à apprécier le football, le public ayant dès le début de la rencontre sombré dans la léthargie la plus complète, comme s'ils avaient été anesthésiés par la cérémonie d'ouverture. Même les Américains étaient plus enthousiastes en 94.

Le match
Sans Zidane, l'équipe de France est-elle simplement une bonne formation européenne? C'est la question qu'on aurait voulu ne pas poser au terme de cette douloureuse inauguration, qui a vu une bonne formation africaine profiter d'un coup de billard à la demi-heure de jeu pour ne plus lâcher l'affaire ensuite. Ce n'est pas que le niveau de jeu des Bleus ait été franchement mauvais, mais ils n'ont pas trouvé de solution ni dans leur organisation générale, ni offensivement alors que la défense sénégalaise s'est souvent montrée fébrile (surtout sur ses flancs). Certes, les montants auraient pu collaborer plus activement au sort du match, mais les Lions n'ont eu besoin que d'application et de sérieux pour contrer efficacement leurs adversaires après l'ouverture du score. Diouf a étincelé à chaque fois qu'il n'était pas hors-jeu, prenant plutôt facilement la défense bleue en défaut, et à l'autre bout du terrain Sylva a été impeccable. Entre ces deux extrémités, un collectif sans faille et bien emmené par Fadiga a passé brillamment l'examen, malgré les circonstances d'une première apparition en Coupe du monde.
(Pour le récit approximativement plus détaillé du match, voir notre Direct, probablement l'article le plus dépourvu d'humour de toute l'histoire des Cahiers).

La nalyse
Il est bien trop tôt pour conclure que les Bleus sont hors sujet, mais on s'inquiétera qu'il leur faille autant d'avertissements pour provoquer un déclic encore reporté. Après le nul concédé aux Russes, l'échec contre la Belgique et la blessure de Zidane, leur fallait-il une défaite cuisante à l'ouverture pour sortir le grand jeu? Le problème est justement de devoir le sortir dès maintenant, et de jouer l'Uruguay dans des conditions qui risquent de rappeler le Paraguay. La pression immédiate peut faire revenir Zidane trop tôt et priver l'effectif d'une rotation contre le Danemark, match d'ores et déjà décisif.
L'autre motif d'inquiétude, c'est bien le constat que Lemerre n'a pas de solution aux absences de Zidane et Pires, et doit s'en remettre aux aléas de rencontres comme celle-ci, donnant l'impression d'une vulnérabilité incompatible avec les exigences des groupes éliminatoires.

Pour relativiser, on n'oubliera pas les occasions obtenues quand même, fussent-elles ratées, ni la domination constante des Bleus. Avec un peu plus de réussite dans le même match, ce dernier aurait été perçu sans inquiétude particulière, avec la satisfaction d'avoir échappé au piège. Pas de chance donc, il s'est refermé sur les tricolores. Cela nous laisse devant six jours d'attente angoissée.

La revanche de la D1
On ne va pas se mettre à tirer des conclusions dans le tas, mais il y a quelque chose de particulièrement ironique à voir une sélection régionale de première division mettre une claque à notre élite d'exilés, dans une époque où le dénigrement de notre championnat s'appuie sur l'absence des meilleurs joueurs français…
Le Sénégal, pour sa première rencontre de Coupe du monde, s'offre une victoire contre le champion en titre lors du match d'ouverture, sous les yeux du monde entier. Au moins, il y aura eu quelques défilés joyeux dans les rues de France…

Les gars
Marcel Desailly, hésitant au départ mais vite remonté par un accrochage avec Diouf, a été à la hauteur de ses responsabilités, renouant avec la hargne qu'on lui connaît. Il est malheureusement une des rares satisfactions françaises. Car certains cadres ont été étonnamment transparents, comme Petit ou Henry qui a cependant touché la barre avec un très joli geste. Appliqués, Thuram, Vieira ou Lizarazu n'ont pas créé de différence significative, tandis que Wiltord s'égarait quelque peu sur le côté droit. Trezeguet, pour le moment délaissé par la réussite, n'a donc pas été mis dans de bonnes conditions par ses coéquipiers de l'attaque.
Le procès de Djorkaeff et de Lebœuf devance déjà celui du sélectionneur, chacun d'entre eux s'étant exprimé dans le registre qu'on leur reproche le plus et étant impliqués sur le but sénégalais. Nous ne savons plus que dire sur le neuf et demi des Bleus, qui en plus perd le ballon au départ de l'action qui se conclut par le but de Diop. Trente minutes de Dugarry n'ont pas suffi à faire de lui un numéro 10, mais il a au moins rajouté une dose de volonté qui a parfois semblé manquer aux autres. Il n'est plus temps de parler de Carrière, mais Micoud est encore là, et d'autres systèmes de jeu sont possibles.


Positivons
Lemerre a réussi à démontrer l'indigence totale de Djorkaeff au poste de meneur de jeu.
Ça pue la peur chez TF1.
La valeur des effectifs de Lens, Sedan, Auxerre, Montpellier et Monaco vient de quadrupler d'un coup.
Djorkaeff a fait la bise à Blatter, il n'a donc pas totalement perdu son temps

Observations
Et hop, un gros coup de Diop.
Les Bleus ont été plus présents pendant les pages de pub que sur le terrain.
Ça leur apprendra à ne pas regarder le championnat de France.
Vu l'ambiance, il devait y avoir plus de policiers en civil dans les tribunes que prévu.
Un coup de massue, ça réveille ou ça assomme?
Le but sénégalais aurait dû être refusé pour jeu à terre.
Bruno Metsu : "Je dédie cette victoire à tous les entraîneurs dans la difficulté." Lemerre appréciera.

Date: 31/5/2002