EN APNEE

Le match en diagonale
Après un très bon premier quart d'heure dans lequel Micoud et ses coéquipiers sont très bien entrés, la sortie de Lebœuf a ouvert une période plus trouble avec quinze autres minutes plus à l'avantage des Uruguayens, manifestement décidés à pourrir très vite le jeu sans renoncer à placer des offensives meurtrières. Le malaise des Bleus persista d'autant plus qu'Henry était sanctionné d'une expulsion à la 26e minute, la déprime se lisant alors sur les visages.
Au retour des vestiaires, l'équipe de France pris plus nettement les choses en main, bien qu'elle dût subir quelques attaques terribles des Sud-américains qui firent planer le risque d'une catastrophe jusqu'à la fin. Mais la mi-temps fut probante à tous points de vue, seule la réussite semblant encore fuir des Tricolores qui, bien que réduits à 10, dominèrent sans discontinuer.


Les gars
Trezeguet s'est beaucoup dépensé, mais il a été trop été souvent obligé de jouer dos au but, recevant peu de ballons, notamment en raison de la désertification de l'aile gauche. L'aile opposée a été au contraire le lieu d'une grande activité, avec Thuram (puis Candela), Vieira et surtout Wiltord, dont le retour aux affaires a été très net depuis le Sénégal, même s'il a souvent plus évolué dans le registre d'un milieu de terrain que d'un attaquant. On regrettera cette occasion énorme en toute fin de match, qui le vit se présenter seul face à Carini…

Le duo des récupérateurs a également livré une grosse prestation, contribuant lui-même à invalider la thèse du retour à trois milieux défensifs. Le combat a été très rude dans une zone où les coups bas et les accrochages se sont multipliés. Micoud, surprise du chef, a été aussi bon que son équipe durant quinze minutes, avant de connaître les mêmes difficultés que ses partenaires. Mais il a pris ses responsabilités pour orienter le jeu et tenter de faire la différence en alertant les attaquants. Il a marqué d'autant plus de points que Lemerre n'a pas choisi de faire rentrer le "joker" Djorkaeff, même en fin de partie, le rôle revenant à Djibril Cissé pour un trop petit quart d'heure. Mais l'Auxerrois a encore montré qu'il amenait un tranchant qui fait chroniquement défaut aux Bleus, et il pourrait bien être titulaire contre le Danemark.

Roger Lemerre, soucieux de préserver l'intimité du groupe et le secret de ses choix, a-t-il monté le coup d'une blessure de Lebœuf pour justifier le recentrage de Thuram et l'affectation de Candela dans le couloir droit? Non évidemment, mais le scénario a eu quelque chose d'ironique, exauçant les vœux de milliers (millions?) de supporters. Ce repositionnement a commencé par un mauvais renvoi du Turinois et nécessité quelques réglages initiaux, mais le reste de la partie a démontré que cette alliance était tout à fait viable, avec un gros impact physique. Quelle que soit la gravité de la blessure du Marseillais, celui-ci pourrait avoir du souci à se faire quant à sa place en charnière centrale…
Lizarazu s'est montré affûté et très volontaire, mais la sortie d'Henry l'a un peu privé de participation offensive. Beaucoup font la promotion de Candela comme une solution aux postes de latéraux, mais sur le côté droit et a fortiori à 10, sa fougue a failli coûter cher, notamment lorsque Recoba s'est échappé dans son couloir, frappant deux fois de suite sur Barthez. La même phase se répéta presque immédiatement, lorsque l'attaquant obligea le gardien à une sortie kamikaze et plaça heureusement son tir dans le petit filet (50e et 52e). Son indéniable apport offensif aurait cependant pu être récompensé d'un but si Carini n'avait détourné son lob du bout des gants.
Barthez a plusieurs fois empêché une aggravation dramatique de la situation en étant impeccable sur les (grosses) occasions de la Celeste. Merci Fabien.

Les autres gars
Dario Silva s'est bien montré comme l'attaquant pénible que nous décrivions dans la Gazette mondiale 6, au-delà même de l'imaginable. Il s'offre une cote d'antipathie mondiale avec un comportement détestable. Recoba est le seul recours de cette sélection aussi rugueuse et truqueuse que dans les images d'Epinal sur le football sud-américain. L'Interiste a multiplié les petits ponts, mais n'a pas transformé ses occasions de but ni ses coups de pieds arrêtés. L'Uruguay a connu cinq minutes de folie peu avant l'heure de jeu, mais le match s'est alors refusé de basculer.


La nalyse
Le principal enseignement du match est certainement le constat que le 4-2-1-3 de Lemerre est parfaitement justifié, avec ou sans Zidane, quand les joueurs sont en forme et que la motivation est présente. Le sélectionneur veut mourir avec ses idées et il a tenu bon face à la pression des médias et de son propre groupe (les équipes-types annoncées dans la presse resteront-elles dans les annales comme le fruit d'une nouvelle ruse du Normand?). Rétrospectivement, un système à trois milieux défensifs aurait été particulièrement inadapté contre l'opposition sud-américaine. On a vu avant l'expulsion d'Henry que les côtés étaient bien utilisés, ce qui est ensuite resté vrai pour le flanc droit, et que l'animation générale a été aussi bonne que possible en l'absence de Zidane.

Le paradoxe est que l'efficacité offensive des Bleus n'est pas au rendez-vous de ce Mondial, avec aucun but marqué en deux rencontres. Bien sûr, avec Henry expulsé au bout d'une demi-heure, il est difficile de juger les attaquants, mais contre l'Uruguay comme contre le Sénégal, les occasions nettes n'ont pas manqué. Il faut donc espérer que cette congestion prélude à une libération totale contre le Danemark…

Les champions d'Europe ont donc renoué avec leur véritable valeur, mais pas avec la réussite qui les avait si bien accompagnés jusque-là. L'expulsion d'Henry était légitime, mais elle n'aurait été juste que si le même barème avait été appliqué à Dario Silva. Elle est symbolique de la douleur dans laquelle s'effectue ce premier tour. Conduit-elle à une agonie ou à une résurrection? Réponse mardi.


Observations
France triste, Uru gai.
Décidément, on ne peut pas s'appeler Ramos et être un bon arbitre.
Signalons à Thierry Roland que la distance entre Montevideo et Mexico est la même que celle entre Paris et Katmandou.
Ce n'est pas parce que Candela a un look d'Uruguayen qu'il doit se sentir obligé de les laisser passer sur son aile.

Questions
Faut-il être plus ou moins déprimé qu'avant ce match?
Les blessures de Djorkaeff et Lebœuf sont-elles un signe du ciel?
Candela a-t-il compris qu'il était rentré au poste de défenseur?

Date: 6/6/2002