Combats d'avant-garde
Champion du monde à 20 ans neuf mois après sa première sélection,
la carrière de Thierry Henry n'a pas attendu des années pour fréquenter
les sommets. Après les crises monégasques et une mauvaise passe
à la Juve, il a pu compter sur Arsène Wenger pour le remettre sur
les rails et même opérer un radical changement d'identité. Meilleur
buteur du championnat anglais en jouant dans l'axe de l'attaque
d'Arsenal, Thierry Henry est fréquemment contraint avec les Tricolores
de se déporter sur la gauche, à un ancien poste qui n'est plus celui
de sa prédilection. Voilà, toutes les discussions autour du Gunner
se limitent à ce dilemme tactique, car pour le reste, il fait l'unanimité.
Il a complété sa vitesse et sa technique en mouvement par un vrai
sens du but, acquis une certaine régularité, survécu aux disettes
et inscrit des lignes à son palmarès. A statistiques comparables,
Trezeguet apparaît cependant comme le plus tueur des deux, ayant
réussi à s'imposer dans le championnat le plus difficile pour les
attaquants. Lemerre aime voir le Gunner dans l'axe, mais il sait
aussi ce que le Turinois peut faire dans la surface et n'ignore
pas qu'Henry n'est pas vilain dans ce couloir gauche. Dans l'esprit
du sélectionneur, qui répugne à placer les deux joueurs en pointe,
ils ne pourront être associés que dans ce dispositif, qui présente
l'avantage de n'exclure aucun d'entre eux. Car dans le rôle d'avant-centre,
sauf révolution, ce sera soit l'un, soit l'autre.
Après la pénurie, la sélection doit gérer la pléthore
dans le domaine offensif. Si la rivalité entre les deux amis ne
dégénère pas, cela devrait nous valoir quelques étincelles. Thierry
Henry est l'un des attaquants les plus attendus de la compétition.
Dans l'axe ou à gauche.
Son point fort
La vitesse de pointe.
Son point faible
Sa façon prétentieuse de célébrer ses buts.
Son geste technique
La frappe enroulée du droit qui va dans le petit filet.
Son objectif personnel
Toucher le maximum de drapeaux de corner.
Le point de vue de Jean-Patrick Sacdefiel (1)
Dans une équipe qui ressemble à un bestiaire, voici le lièvre. Henry
est le plus beau spécimen de ce type d'attaquants qui prolifèrent
dans le football actuel. La formation française possède en effet
de nombreux élevages qui produisent de tels joueurs, comme Anelka,
Govou, Sakho, Cissé et autre Robert. L'avantage est que leur bagage
tactique peut se limiter au minimum, c'est-à-dire à l'apprentissage
de la règle du hors-jeu. "Tu cours comme un dératé et à l'arrivée
tu cadres ta frappe" : le degré zéro de la science offensive. Henry
excelle dans ce registre surtout parce qu'il joue en Premier League,
où se trouvent les défenseurs centraux les plus lents de la terre.
En Coupe du monde, devant des dispositifs resserrés, il retombera
inévitablement dans l'impuissance et l'anonymat.
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