LE BRESIL CINQ FOIS PLUS GRAND

Pierre Martini

 

Le Brésil aura-t-il la place de mettre une cinquième étoile sur son maillot, ou optera-t-il pour une seule étoile… à cinq branches? C'est aujourd'hui le seul souci des Auriverde, dont la domination mondiale, malgré les critiques et les scandales, n'a été interrompue depuis 94 que par le 12 juillet français. Cette finale de prestige rentrera donc dans l'histoire par le biais des statistiques et par sa contribution à la légende (avec notamment la belle histoire de Ronaldo). La Coupe du monde des surprises consacre finalement la nation déjà la plus titrée… Comme en 94, c'est un Brésil pas totalement convaincant qui s'impose, mais au moins a-t-il renoué avec une partie de son mythe — même si c'est en le concentrant sur le talent de ses stars, les seules que l'on a vraiment vues durant le tournoi.


Un chouette week-end pour finir
Les deux matches les plus plaisants ont peut-être été les deux derniers de ce mois de juin. Après l'affrontement débridé entre la Corée du Sud et la Turquie, la finale de Yokohama a offert un spectacle agréable, intensifié par l'enjeu et bonifié par des Allemands qui ont joué le jeu et couru leur chance.

Passée la déception, ils tireront un bilan très positif de leur participation, avec une accession inespérée à la finale et une préparation idéale pour leur WM2006. Un groupe est peut-être né, que Völler aura pour mission de faire mûrir. Le National Elf a vraisemblablement réussi son match le plus accompli contre le Brésil, mais n'a pu démentir son destin d'outsider. Selon l'expression consacrée, la Seleçao l'a emporté grâce à ses individualités, mais on peut aussi penser que l'Allemagne a perdu à cause de la sienne… Mais ce serait faire injustice aux qualités de Kahn et à la spécificité de son poste que de l'accabler. On retiendra aussi que pour faire une passe décisive, il faut que Rivaldo rate son tir.
Toujours est-il qu'après avoir tenu une bonne heure en se procurant quelques occasions et en résistant à celles des Auriverde, les Blancs ont cédé logiquement devant plus forts qu'eux. Un des paradoxes de la formation de Scolari est que sa défense a progressé au fil des rencontres, pour n'encaisser que le seul but anglais dans la phase à élimination directe. Stabilisée à partir des huitièmes avec Edmilson dans l'axe, elle n'a pas été affectée par le turnover imposé aux autres postes par le sélectionneur et elle a tenu bon face aux attaques aériennes allemandes.

L'histoire de Ronaldo est belle, elle ressemble à celle d'un miraculé de l'orthopédie et au destin d'un grand footballeur. Ce doublé en finale et le titre de meilleur buteur sont de belles récompenses, appréciables pour un joueur dont on a souvent entendu dire qu'il n'était pas revenu à son meilleur niveau… Belle image aussi que celle de Cafu brandissant le trophée. Parfois éclipsé par les autres stars de la sélection, sa constance au plus haut niveau est bien résumée par sa présence lors des trois dernières finales.


Fin de partie
Probablement parce que la blessure est encore à vif, les allusions aux ex-détenteurs du titre ont été remarquablement rares, notamment sur TF1 ou Roland-Larqué ont accompagné d'un ton désabusé la consécration brésilienne. Nous avons tous éprouvé un pincement au cœur en voyant partir cet objet doré, la cérémonie ayant sonné le dernier coup de minuit. Mais malgré la déception, il faut bien se rappeler que la France a été championne du monde en battant le Brésil, aujourd'hui cinq fois plus titré qu'elle.
C'est toutefois un mois de frustration qui s'achève, privés que nous fûmes de tout moment d'émotion "nationale", ressentant en permanence l'absence des Bleus. Si l'équipe de France a beaucoup appris de la victoire, il lui reste à apprendre de la défaite, pour savoir tenir son rang. Un tel challenge l'attend pour la défense du titre européen, qui l'obligera à se réinventer très vite.

Date: 30/6/2002