Au Mondial, passé le premier tour, la France pourrait connaître des
frayeurs
Le tirage au sort de la Coupe du monde a désigné les huit groupes préliminaires.
Les Bleus devront affronter le Sénégal, l'Uruguay et le Danemark et
retrouveront, en cas de qualification, une des équipes du "groupe de
l'enfer", composé de l'Argentine, de l'Angleterre, du Nigeria et de
la Suède.
La France, qui ouvrira la 17e édition de la Coupe du monde de football
contre le Sénégal, le 31 mai 2002, à Séoul (Corée du Sud), a hérité
d'un groupe légèrement plus difficile que celui du Mondial 1998. Cent
quatre-vingt jours séparent le samedi 1er décembre 2001, jour du tirage
au sort de la 17e Coupe du monde de football, du vendredi 31 mai 2002,
jour du match d'ouverture, qui opposera, à Séoul, l'équipe de France
au Sénégal. Cent quatre-vingts jours, soit six mois, durant lesquels
tout ce que le football compte d'experts va s'en donner à cœur joie
pour disséquer les chances des uns et présager des malheurs des autres.
Six mois où l'exégèse atteindra des sommets, et pas seulement aux comptoirs
des cafés, tout simplement parce que les organisateurs de la Coupe du
monde, soucieux de bien vendre leurs billets et de veiller aux déplacements
des supporteurs, n'ont pas d'autre choix que d'établir si tôt le programme
des rencontres à venir. Il n'en demeure pas moins que le tirage au sort,
qui a eu lieu, samedi, à Busan (Corée du Sud), sera déterminant dans
la course à l'attribution du plus convoité des trophées sportifs de
la planète. On annonçait une procédure "orientée" afin que soient constitués
des groupes qui seraient équilibrés tant sur le plan sportif que d'un
point de vue géographique (Le Mondedu 1er décembre).
Le tirage au sort n'a pas démenti cette hypothèse, sauf pour deux des
huit groupes : le groupe F est d'ores et déjà présenté comme le "groupe
de l'enfer" en raison de l'homogénéité des équipes (Argentine, Angleterre,
Nigeria, Suède) ; le groupe C, en revanche est jugé comme un peu trop
"facile" pour sa tête de série, le Brésil, qui se retrouve en compagnie
de trois sélections de faible calibre (Turquie, Chine, Costa Rica).
Les autres "favoris" ont été placés dans des poules desquelles ils devraient
s'extirper sans trop de difficultés. La France, tenante du titre, n'est
pas à plaindre. Le Sénégal, qui participera à sa première Coupe du monde,
n'est pas a priori un adversaire susceptible de faire douter les champions
du monde et champions d'Europe. Dirigée par le Français Bruno Metsu,
l'équipe sénégalaise est composée de joueurs dont la plupart évoluent
dans le championnat de France, comme les Lensois El-Hadji Diouf, Ferdinand
Coly et Pape Sarr, ou les Sedanais Henry Camara, Salif Diao et Moussa
N'Diaye. "On peut dire que ce sera un match entre des Français qui jouent
à l'étranger et des Sénégalais qui jouent en France", s'est amusé le
sélectionneur des Bleus, Roger Lemerre. "Nous allons voir si les élèves
peuvent donner la leçon au maître", s'est permis Bruno Metsu.
"COMPLEXE FRANÇAIS"
L'Uruguay, que la France rencontrera le 6 juin, à Busan, est un adversaire
plus difficile à cerner. Si son joueur vedette, l'attaquant du Milan
AC Avaro Recoba, est actuellement le footballeur le mieux payé au monde
(7,2 millions de dollars par an), la "Celeste" repose principalement
sur la pugnacité de sa défense, grande tradition uruguayenne. La langue
de Marcel Desailly a fourché sur les ondes de France-Info lorsque le
capitaine des Bleus a évoqué l'Uruguay : "On les connaît. C'est des
tricheurs." Roger Lemerre, lui, s'est fendu d'une demi-moue : "Les Bleus
ont toujours eu des difficultés face aux équipes d'Amérique du Sud.
Si on avait pu en éviter une, cela aurait été mieux."Le technicien ne
doit pas regretter, aujourd'hui, d'avoir emmené ses troupes au Chili
(défaite 2-1) début septembre pour un match amical dont beaucoup d'observateurs
ne voyaient pas l'intérêt. Le Danemark, que les Bleus affronteront le
11 juin, à Inchon, peut être considéré comme l'adversaire le plus régulier
de l'équipe de France. Depuis l'Euro 84, les deux équipes n'ont eu de
cesse de se croiser. Les Bleus restent sur trois victoires (2-1 à la
Coupe du monde 1998, 3-0 à l'Euro 2000, 1-0 en amical le 15 août 2001).
De quoi parler de "complexe français", pour le quotidien danois Berlings
ke Tidende, qui, dans son édition du dimanche 2 décembre, affirmait
: "La simple énumération des noms des joueurs de l'équipe de France
empêcherait de dormir l'entraîneur le plus sûr de soi. La France a de
quoi aligner deux ou trois équipes effrayantes." "Il ne faut pas rêver.
La France reste la meilleure équipe du monde", a commenté le sélectionneur
danois, Morten Olsen, en déclarant viser la deuxième place.
Si la France se qualifie pour le deuxième tour, les choses vraiment
sérieuses commenceront dans la foulée. Elle rencontrera alors l'un des
deux qualifiés du terrifiant groupe F, avant de croiser éventuellement
le Brésil en quarts de finale. Seule certitude dans ce faisceau d'hypothèses
: si les deux grands favoris que sont la France et l'Argentine doivent
se rencontrer au cours du tournoi, leur affrontement aura lieu avant
la finale. Pour les mêmes raisons, une finale Allemagne-Italie ou Angleterre-Brésil
est à exclure. D'une manière générale, à l'exception du groupe F, la
compétition ne devrait prendre son envol qu'à partir des huitièmes de
finale. L'Italie rencontrera également des adversaires à sa portée (groupe
G : Equateur, Croatie, Mexique). L'Espagne, présentée comme l'outsider
numéro un, peut s'estimer satisfaite (groupe B : Slovénie, Paraguay,
Afrique du Sud). L'Allemagne "aurait pu plus mal tomber", dixit son
entraîneur, Rudi Völler, (groupe E : Arabie saoudite, Eire, Cameroun).
Les groupes les plus "ouverts" sont, de toute évidence, ceux des deux
pays organisateurs : la Corée du Sud aura maille à partir dans le groupe
D, où figureront deux bonnes équipes européennes (la Pologne et le Portugal)
et les Etats-Unis, dont c'est la quatrième participation de suite à
une phase finale ; dans le groupe H, le Japon n'aura pas la tâche facile,
non plus, face à la Russie, la Belgique et la Tunisie. Le match entre
le Japon et la Tunisie, le 14 juin à Osaka, verra se rencontrer deux
entraîneurs français travaillant à l'étranger, Philippe Troussier (Japon)
et Henri Michel (Tunisie). Un autre signe que le football français se
porte plutôt bien en ce moment. F. P. (avec A. J.)
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Les adversaires du premier tour
SÉNÉGAL Nombre d'habitants : 9,5 millions Nombre de licenciés de football
: 120 000 Couleurs : maillot vert, short jaune, bas rouges Joueur vedette
: El Hadji Ousseinoh Diouf (RC Lens) Palmarès en Coupe du monde : première
participation. Le Sénégal sera, le 31 mai 2002, la deuxième équipe africaine
à "ouvrir" une Coupe du monde de football, douze ans après le succès
du Cameroun face à l'Argentine (1-0) en match d'ouverture du Mondiale
italien. Composée en très grande partie de joueurs évoluant au sein
du championnat de France (notamment à Lens et à Sedan), la sélection
dirigée par le Français Bruno Metsu est le seul pays africain à n'avoir
jamais participé à une phase finale de Coupe du monde. "Nous sommes
la meilleure équipe d'Afrique", affirme son attaquant vedette El Hadji
Diouf (RC Lens), auteur de neuf des quatorze buts inscrits par les "Lions"
au cours des qualifications. "Du pôle Nord aux confins de l'Amazonie,
du désert de Kalahari à... Kandahar, on entendra parler de notre pays
qu'on essaiera de situer sur le globe terrestre", s'émerveillait le
quotidien de Dakar Le Soleil dans son édition du lundi 3 décembre.
URUGUAY Nombre d'habitants : 3,4 millions Nombre de licenciés de football
: 188 000 Couleurs : maillot bleu ciel, short noir, bas noirs Joueur
vedette : Alvaro Recoba (Inter Milan) Palmarès en Coupe du monde :dixième
participation ; deux victoires (1930, 1950), deux demi-finales (1954,
1970). Longtemps, l'Uruguay a fait figure de place forte du football
international. Cet ancien double vainqueur de la Coupe du monde (1930,
1950) est descendu de son piédestal au tournant des années 1970, son
jeu sombrant alors dans une caricature de football violent et indiscipliné.
Cinquième du groupe AmSud, la jeune équipe composée par le sélectionneur
national Victor Pua a dû passer par un tour de barrage contre l'Australie
afin de se qualifier in extremis pour la Coupe du monde. La "Céleste"
- référence à la couleur de ses maillots - possède dans ses rangs un
joueur de classe mondiale, l'attaquant Alvaro Recoba (Inter Milan).
L'Uruguay fait figure de challenger et doit réussir son premier match
face au Danemark, le 1er juin, à Ulsan. Un match revanche pour l'Uruguay,
humilié (6-11), en 1986, en match de poule par ces mêmes Danois.
DANEMARK Nombre d'habitants : 5,2 millions Nombre de licenciés de football
: 280 000 Couleurs : maillot rouge, short blanc, bas rouges Joueur vedette
: Ebbe Sand (Shalke 04/All) Palmarès en Coupe du monde : troisième participation.
Le Danemark croise donc une nouvelle fois le chemin des Tricolores.
C'est la cinquième fois que la France retrouve la formation scandinave
dans une phase finale (les championnats d'Europe 1984 en France, 1992
en Suède, 2000 en Belgique et aux Pays-Bas, et lors de la dernière Coupe
du monde en France en 1998.) La victoire lors de l'Euro 1992 en Suède
reste le seul titre du Danemark. Quarts de finaliste du Mondial français,
les Danois avaient notamment dominé en huitième de finale le Nigeria
(4 buts à 1) avant de s'incliner face au Brésil (3-2). En 1986 au Mexique,
ils avaient également franchi le cap du premier tour, éliminés en huitièmes
de finale par l'Espagne (5-1). Composé de joueurs évoluant en majorité
en Europe, le Danemark a réalisé un sans-fautes lors des qualifications
terminant leader du groupe 3 devant notamment la République tchèque
et la Bulgarie, et reste sur dix matches officiels sans défaite (6 victoires,
4 nuls). Seul ombre au tableau, une défaite au mois d'août à Nantes
en match amical contre la France (1-0).
LE MONDE - 4 décembre 2001