Les chercheurs expliquent l'avantage de jouer à domicile
Des tests montrent à quel point les arbitres sont sensibles à la pression
des tribunes. Le taux de testostérone des joueurs évoluant sur leur
terrain augmente sensiblement.
Le champion de france de football, l'olympique lyonnais, et son dauphin,
le racing club de lens présentent au moins un point commun, au terme
de la saison 2001-2002 : n'avoir perdu aucun match à domicile. sur les
34 rencontres "à la maison" que ces deux équipes ont disputées, elles
ont engrangé 24 fois les trois points de la victoire. en revanche, les
deux formations font preuve d'une efficacité moindre lorsqu'elles se
déplacent. le bilan des 34 matches joués à l'extérieur est nettement
moins brillant : 14 victoires, 6 nuls et 14 défaites. Cet exemple récent
n'est qu'une confirmation parmi tant d'autres de l'avantage que tirent
les équipes évoluant à domicile, quel que soit le sport collectif.
Les résultats d'une étude statistique publiée en 1999 étaient éloquents.
Au basket, qui présente l'avantage de ne pas connaître de résultat nul,
sur près de 14 000 parties, 64,4 % s'étaient terminées par la victoire
des locaux. Quoique moins important, le déséquilibre se retrouvait dans
des disciplines aussi différentes que le base-ball, le football américain
ou le hockey sur glace. Jouer sur son terrain représente donc un avantage
incontestable, mais il s'avère délicat d'expliquer pourquoi. Une équipe
de chercheurs britanniques s'est intéressée à l'influence que le bruit
et les réactions de la foule pouvait exercer sur le personnage clé de
tout match de football : l'arbitre.
Dans un article qui devrait paraître en septembre dans la revue Psychology
of Sport and Exercise, le professeur Alan Nevill, de l'université de
Wolverhampton, et deux de ses collègues de l'université de Liverpool,
narrent une intéressante expérience à laquelle ils se sont livrés, avec
la coopération de 40 arbitres anglais.
RÉSULTATS ÉDIFIANTS
Les trois scientifiques leur ont fait visionner un montage rassemblant
47 incidents de jeu extraits d'un match de première division. Une moitié
des hommes en noir vit le film dans un silence religieux, tandis que
l'autre eut droit à l'enregistrement sonore accompagnant les différentes
actions. Les cobayes devaient à chaque fois déterminer s'il y avait
faute ou pas et, si oui, qui l'avait commise. Le résultat édifiant souligne
à quel point le 23e homme sur le terrain est seul, et sensible au stress
extérieur que représentent la présence et les cris des spectateurs,
souvent présents par dizaines de milliers. Le groupe d'arbitres disposant
du son sanctionna sensiblement moins l'équipe locale que le groupe "sourd":
15,5 % de fautes furent ainsi "oubliées", soit près d'une irrégularité
sur six.
En revanche, les deux groupes sifflèrent de manière équivalente les
fautes commises par l'équipe en déplacement. Selon Alan Nevill, "les
résultats de l'expérience n'ont pas surpris les arbitres". Même les
plus chevronnés sont influencés par la foule et peuvent commettre des
erreurs par omission. "Pour ne pas se mettre le public à dos, ils laissent
jouer", résume le chercheur.
Toutefois, le stress du corps arbitral n'explique probablement pas
à lui seul le fameux avantage de jouer sur son terrain. Une autre étude
britannique, présentée récemment lors de la conférence annuelle de la
British Psychological Society, s'est intéressée au... taux de testostérone
des joueurs de football. Sandy Wolfson et Nick Neave, deux chercheurs
de l'université du Northumberland ont mesuré la quantité de cette hormone
dans l'organisme des footballeurs avant des entraînements et avant des
matches. Alors que le taux était normal dans le premier cas et lors
des rencontres jouées à l'extérieur, il pouvait subir une hausse allant
de 40 % à 67 % pour les matches disputés à domicile. Nick Neave pense
pouvoir lier ce résultat surprenant avec l'agressivité accrue dont font
preuve les animaux lorsqu'ils défendent leur territoire.
Pour étayer cette hypothèse, ce chercheur a mis en avant le fait que
les gardiens de but, les fameux derniers remparts, étaient sujets aux
poussées de testostérone les plus spectaculaires. Cette étude a suscité
un vif intérêt outre-Manche dans les clubs de football, dont certains
responsables voulaient notamment savoir quel était le taux optimum de
testostérone pour obtenir la meilleure performance... Non seulement
la réponse est inconnue, mais il faut rappeler que cette hormone figure
sur la liste des produits dopants.
Le Monde - Pierre Barthélémy