Coupe du Monde 2002

 

ULSAN, Corée du Sud (Reuters) - Si le monde du football a pu être choqué par la comédie jouée par Rivaldo à la fin du match contre la Turquie, les Brésiliens eux-mêmes ne vont probablement pas se scandaliser pour si peu.

Dans un pays où le vocabulaire du football comprend des expressions comme "cavar um penalti" (dénicher un penalty), "malandragem" (finesse et malice) et "esperteza" (finesse et habileté), la prestation de l'attaquant du Barça est tout bonnement considérée comme un moyen légitime de gagner un match.

Rivaldo l'a dit lui-même, il a fait jouer son "expérience" lors de cet incident qui a conduit à l'expulsion du joueur turc Hakan Unsal. Rivaldo attendait le ballon au corner, qu'Unsal lui a renvoyé vigoureusement dans les jambes. L'attaquant du Barça s'est alors effondré en se prenant le visage dans les mains, comme foudroyé de douleur.

"Rivaldo s'est écroulé comme frappé par une hémorragie cérébrale", a ironisé, non sans amertume, le président de la Fédération turque Haluk Ulusoy.

L'incident pourrait valoir des ennuis à Rivaldo, la Fifa ayant promis de réprimer durement cette année tout acte de simulation, même après coup.

Mais Rivaldo n'a rien regretté. Il a jugé que le joueur turc méritait de toute façon d'être expulsé pour son geste.

UN MINIMUM D'ASTUCE

Dans le football brésilien, la "malandragem" est une vertu.

Avant même le début du Mondial, Roberto Carlos avait résumé la question d'une manière peu conforme aux vélléités déontologiques de la Fifa. "Imagine, si nous perdons 1-0 à la 90e minute et que quelqu'un me pousse du coude dans la surface, bien sûr que je me laisserai tomber pour chercher le penalty et égaliser. Ce pourrait être alors le match le plus important de ma vie", a déclaré le défenseur du Real Madrid.

"En football, il faut un minimum d'astuce. Les footballeurs brésiliens sont malins, c'est pour cela qu'ils ont quatre étoiles sur leur maillot", en référence aux quatre titres de champion du monde.

Le Brésil l'a emporté contre la Turquie grâce à un penalty à la 87e minute obtenu par Luizao pour tirage de maillot peu avant son entrée dans la surface. L'auteur de la faute, le Turc Alpay Ozalan, a été également expulsé.

Après le match, Luizao a confié qu'il avait tenté d'influencer l'arbitrage, une autre pratique que la Fifa a promis de sanctionner. "Dès que j'ai entendu le coup de sifflet, j'ai ramassé le ballon et je l'ai placé sur le point de penalty", a-t-il dit.

SCOLARI MONTRE L'EXEMPLE

Les joueurs brésiliens sont à bonne école, leur entraîneur Luiz Felipe Scolari étant le premier à dire que la victoire compte avant tout.

Quand la Seleçao avait perdu contre l'Argentine 2-1 en qualification l'an dernier, encaissant ses deux buts en fin de match, il avait pesté contre le fait que ses joueurs n'aient pas suffisamment temporisé.

"Quand un joueur s'effondre, trois autres doivent tomber avec lui", déclare l'entraîneur. "On aura peut-être un carton jaune mais peu importe."

Quand il était entraîneur du club de Palmeiras, Scolari était accusé par les équipes rivales de donner des instructions aux ramasseurs de ballon pour qu'ils jettent des ballons de rechange sur le terrain et perturbent ainsi le jeu des équipes adverses.

A la question de savoir s'il utiliserait la même "malandragem" pendant cette Coupe du monde, l'entraîneur brésilien a répondu: "J'ai eu ce poste grâce à mon palmarès dans le football. Ce n'est pas maintenant que je vais changer."

Mais pour Scolari, les Brésiliens voire les Sud-Américains dans leur ensemble, ne sont pas les seuls à jouer sur ce terrain-là.

"Ici en Amérique du Sud, même la ruse est méritoire. On aime bien penser avoir joué un bon tour à son rival et à l'arbitre. Quand cela se produit en Europe, l'adversaire vous maudit comme si c'était immoral, que ça ne pouvait pas exister. Mais je pense que tout le monde le fait, même si les médias s'y intéressent davantage quand il s'agit de joueurs sud-américains."

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