Le parcours des bleus a été bien court en Corée.
Avec le recul, j'y vois trois raisons majeures:
les choix tactiques :
Il ne s'agit pas de dire que les choix tactiques de l'Equipe de France
étaient connus des autres équipes, qu'elles se sont préparées
pour contrer cette organisation et qu'on aurait dû tout bouleverser.
Les anglais, les allemands n'ont pas changé de système
de jeu depuis des décennies et çà ne les a pas
empêché de gagner des matchs.
Le tort du sélectionneur est d'avoir maintenu un système
de jeu qui avait besoin de ses 2 piliers, Pirès et Zidane, alors
qu'un de ces 2 piliers ne pouvait participer au Mondial. Dès
le jour de la blessure de Pirès, Lemerre aurait dû retravailler
des options de jeu nouvelles, et envisager également des options
sans Zidane - car après tout, aucun joueur ne saurait être
irremplaçable, et il y a suffisamment de grands joueurs français
pour construire une équipe qui tienne la route sans Zizou.
Une fois sur place en Corée, et alors que la débâcle
progressait, le coaching lemerrien en cours de match fut prévisible
(cette manie de faire rentrer l'attaquant à 15 mns de la fin,
en l'occurrence Djibril Cissé, quand il aurait pu courir une
demi-heure et donc augmenter ses chances de marquer; et ce alors même
que Trézéguet était moins à l'aise dans
le système de jeu qu'un Cissé), voir carrément
bizarre (rentrée de Dugarry à 30 sec de la fin du match
contre l'Uruguay, pour jouer un corner).
Donc Lemerre, mon bonhomme, tu es coupable
la motivation :
Comment se bouger l'arrière-train quand on a tout gagné?
Les joueurs de l'équipe de France ont désormais un palmarès
incroyable, en équipe nationale comme en club. Et quand tout
le monde annonce cette même équipe comme déjà
en finale, c'est dur de se motiver pour les matchs amicaux comme pour
les matchs de premier tour, face à des équipes de seconde
zone. Sauf que, les équipes de seconde zone ne sont pas forcément
de simples faire-valoir, et la France n'a pas eu la chance du Brésil
ou de l'Allemagne au tirage au sort (ni la malchance de l'Argentine
pour être complètement honnête).
Le tort est ici partagé entre les joueurs, qui n'ont pas su
voir le groupe se disperser, et pas su se discipliner pour limiter les
dégâts (re-création de la 'bulle', comme à
Clairefontaines en 98), et l'entraîneur, qui s'est limité
à un rôle de 'premier supporter de l'équipe de France',
pour reprendre ses termes. L'absence de concurrence au sein du groupe,
la fossilisation des cadres à chaque poste, qui faisait du renouvellement
réel du groupe (25% de nouveaux par rapport à l'euro 2000)
une illusion (10 des 11 joueurs du 1er match jouaient la finale 98);
le refus d'exercer son autorité (Lemerre considérant que
ses joueurs étaient assez grands pour se discipliner) démontraient
la confiance absolue dans la groupe, et l'absence de remise en cause,
et celà malgré des matchs amicaux peu concluants à
partir de la défaite au Chili.
Jacquet a été bon au même stade, verrouillant le
groupe des sponsors pendant la compétition, obligeant les joueurs
à avoir réglé leur situation en clubs avant la
coupe du monde, limitant les distractions et se concentrant sur un objectif:
gagner. Là, ils furent tous coupables, même s'il est vrai
qu'il doit être difficile de refuser des contrats de dizaines
ou centaines de milliers d'euros pour causer dans le poste au dans le
téléphone.
l'organisation de jeu :
Il était frappant de voir le jeu des bleus se désagréger
au cours des matchs, au fur et à mesure que l'impuissance à
marquer des buts alimentait la frustration des joueurs. Cela était
particulièrement vrai contre le Danemark, ou la fin du match
était un grand n'importe quoi d'organisation de jeu, avec des
joueurs jouant à tous les postes à tout moments. Le résultat,
c'est 2 buts à 0, mais pas dans le bon sens.
La faute en revient au capitaine, Desailly, qui s'il est un grand défenseur
est un piètre meneur d'hommes. On peut clairement dire qu'il
se fiche de son rôle, tout simplement car ce n'est pas son caractère.
Là ou Deschamps, un joueur qui n'avait pas les dons de Desailly,
mais un vrai tempérament de capitaine, jouait les roquets, poussant
ses joueurs à se replacer, à conserver son poste, Desailly
laisse faire et dans la panique le résultat est éloquent.
Marcel, mon bonhomme, tu es coupable. Et doublement car suite à
l'échec de l'équipe, tu ne sais pas te remettre en cause
et tu considères ta présence à ton poste comme
toujours acquise.
En conclusion :
On a parlé de la condition physique des joueurs, très
entamée par des matchs à répétition. Certes,
mais l'Allemagne avait une équipe construite autour d'un noyau
du Bayer Leverkusen, qui a joué la finale de la coupe d'Allemagne,
la finale de la Ligue des Champions, et a joué tous ses matchs
de championnat à fond, et celà ne les a pas empêchés
d'atteindre la finale; Roberto Carlos, partenaire de Zidane au Real,
gambadait toujours contre l'Allemagne. Les exemples sont nombreux de
joueurs ayant joué beaucoup de matchs en saison et ayant passé
le 1er tour. La condition physique a joué, mais n'est pas une
explication suffisante.
L'accumulation de pubs a aussi été évoquée.
Celles-ci ont été tournées avant la coupe, tous
les grands joueurs en ont fait (voir la pub Nike avec R. Carlos, Figo,
Ronaldo, etc.). Donc, bon, ce ne sont pas les pubs qui empêchent
les joueurs de jouer correctement.
Pour moi, plutôt que de reconduire un équipe au parcours
et au palmarès exceptionnel, ce sont plutôt les méthodes
qui ont amené la victoire qui auraient dû être reproduites
: autorité du sélectionneur pour créer la bulle,
mise en concurrence des joueurs pour maintenir la motivation, autorité
du capitaine pour tenir le système de jeu.